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Le mal-aimé gamay fait son retour en grâce

6 juillet 2021

Le temps d’une soirée, six exemples de ce vin ont convaincu les amateurs.

L’événement s’appelait «Jamais Gamay», et c’est tout un symbole. Celui des Suisses alémaniques qui venaient déguster en terres vaudoises et qui s’écriaient: «Chamais Gamay», tant le cépage du Beaujolais avait mauvaise presse. L’œnologue Catherine Cruchon, qui en fait dans le domaine familial d’Échichens, appuie en expliquant que leur gamay prestige s’appelle Ultimo… pour ne pas dire que c’est un gamay. Enrico Antonioli, responsable des domaines de La Côte de la Ville de Lausanne, avoue: «Je n’aimais pas le gamay au début de ma carrière. Puis j’en ai dégusté un acheté dans un Carrefour en France et j’ai adoré ce côté fruité, cette légèreté.»

Au Château Rochefort d’Allaman, Lausanne à Table avait ainsi réuni six vignerons qui aiment ce cépage pour en parler et le faire déguster. Un événement passionnant tant le cépage a montré six visages différents, tous flatteurs. Première règle: il faut dominer ce cépage très productif, le limiter si on ne veut pas qu’il confirme sa mauvaise réputation.

À Founex, Les Frères Dutruy en ont fait un pilier, qui représente 8 ha de leurs 35 ha. «Comme nous sommes aussi pépiniéristes, nous en cultivons une douzaine de variétés. Pour notre Les Romaines, vin phare, c’est une sélection du Beaujolais, des vignes d’une cinquantaine d’années. Le raisin macère avec 30% de grappes entières, trois semaines.» Vinifié en fût à chauffe légère, le 2019 offre un nez élégant, encore un peu fermé. Levures indigènes, du SO₂ juste à la mise en bouteille, une concentration intéressante face à une acidité maîtrisée.

Un vin face au réchauffement

Tous les vignerons présents racontent le retour en grâce du gamay, surtout face au réchauffement climatique. «Les jeunes veulent des vins plus légers, agréables. Le gamay ne monte pas trop en alcool et sa fraîcheur le rend toujours digeste», explique Laura Pacot, du Domaine La Colombe à Féchy. Son 2020 à peine mis en bouteille montre beaucoup de fraîcheur et de fruit, avec un nez encore un peu réduit. «C’est un cépage facilement réducteur.» Là aussi, juste un peu de S0₂ avant la mise le rend presque nature, ce qu’était le millésime 2019.

Celui des Cruchon est de 2019, en petits rendements, en levures indigènes et vinifié en grappes entières, «ce qui lui apporte ce petit côté mentholé et de la fraîcheur», explique Catherine qui veut aussi du croquant dans ce vin élevé en foudre de 500 l. Harmonie, fraîcheur et complexité pour un vin sympathique à boire.

La déclinaison Plant Robert

À Lavaux, le gamay a une vieille sélection appelée Plant Robert, Robez ou Robaz, au cahier des charges précis. Celui de Vincent Chollet, Domaine Mermetus à Villette, est vinifié nature, grappes entières, avec aussi un zeste de SO₂ avant la mise. Un 2020 généreux en goût, aux notes épicées et poivrées, et un zeste de fumé. Sa famille en fait trois autres, tous parcellaires. Celui de Blaise Duboux, à Épesses, est un assemblage de deux terroirs, Épesses et Villette, qui apportent chacun leurs spécificités. Le 2019 a un côté satiné mais surtout des arômes floraux et du fruit, que soutiennent quelques épices. «C’est un vin qui a besoin de trois ans pour être bien. Après, il lui reste sept ans pour être dégusté.»

Enfin, le 2018 de l’Abbaye de Mont, à Mont-sur-Rolle, titre 15,7 degrés, ce qui fait mentir sa réputation de légèreté. «C’est parce qu’il a beaucoup de fraîcheur qu’on ne sent pas l’alcool», affirme Enrico Antonioli. Une macération longue, deux ans d’élevage sous bois pour un vin puissant, complexe, qui pourrait presque faire croire à de la syrah.

PHOTO : Cinq des six vignerons présents, de g. à dr.: Enrico Antonioli (Domaines de la Ville de Lausanne), Laura Pacot (La Colombe), Catherine Cruchon (Domaine Henri Cruchon), Vincent Chollet (Domaine Mermetus) et Julien Dutruy (Les Frères Dutruy). Manque sur la photo: Blaise Duboux. Carlo De Rosa/Lausanne à Table

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